Au bord d’un marais, avec l’idée en tête d’en apprendre davantage sur cette histoire des Grenomes de l’Estuaire, nous sommes parties en Nord-Médoc sous la casquette du G.R.A.V.E et les premières recherches pouvaient commencer. Notre terrain d’enquête se fixait sur les 10 communes du Nord-Médoc, du Verdon à Vendays, sur lesquelles s’étend le territoire supposé des Grenomes.

Nous sommes alors partis à la rencontre des hommes,  des femmes et des enfants qui vivent sur ce territoire, qui l’habitent et le connaissent. Nous avons écouté toutes celles et ceux qui pouvaient nous aider à comprendre les zones humides de la Pointe et préciser l’environnement et les conditions de vie des Grenomes  dans les milieux vaseux et aquatiques : des marins, des ostréiculteurs, des pêcheurs, des naturalistes, des historiens, des hydrologues, des chasseurs, des gardes forestiers, des gardiens du littoral, des gardiens de phare, des agriculteurs, des botanistes, des cabaniers, des photographes, des artistes, des élus…

À force de sillonner le bout de la presqu’île, du fleuve à l’océan, d’arpenter les chemins et les chenaux, en écoutant les médocains et les médocaines nous raconter leur territoire, nous avons pu ancrer cette histoire avec pertinence dans la réalité géographique, historique et culturelle de la Pointe du Médoc.

Cette enquête dans les magnifiques paysages médocains se révélant pleine de surprises, nous a poussé tout d’abord à en faire un film documentaire : “Sur la piste du Grenome”, auquel ont participé de nombreux habitants de la Pointe et que l’on a pu projeter à différentes reprises dans plusieurs lieux. Nous avons aussi tenu un stand sur les marchés de St-Vivien et de Soulac regulièrement et avons organisé des Sorties Natures Fabuleuses dans les marais. Autant de manières de  proposer aux médocains et médocaines, un regard sur leur territoire, et réaffirmer avec eux que ces zones humides sont des espaces vivants et nécessaires, un trésor recélant des richesses insoupçonnées.

Nous avons créé 13 récits audios, qui permettent d’écouter les habitants du paysage que nous avons sous les yeux nous raconter ce paysage, nous l’expliquer, en s’interrogeant ensemble sur la vie des Grenomes : l’agriculteur qui fait paître ses vaches dans le grand pré, le pêcheur qui emprunte le chenal devant nous, la personne qui vit dans la maison au bout du chemin,  l’ostréiculteur qui travaille dans ses bassins derrière la haie….

Nous avons enregistré chaque personne à l’endroit précis où vous les écoutez, pour que vous portiez exactement le même regard qu’elle.

Chaque audio, d’une dizaine de minutes, laisse les  voix des médocains nous plonger dans le panorama en jouant du visible et de l’invisible. En mêlant récit et réalité, l’imaginaire de chacun et chacune se projette et le paysage s’anime de vie réelle et fabuleuse.

Le territoire des Grenomes se situant dans des zones naturelles protégées, certains affûts sonores sont matérialisés uniquement par de simples balises (“cherchez les plumeaux rouges !”), ouvrant sur un paysage, sans le dénaturer.

D’autres affûts sont devenus des points de vue d’un nouveau genre, grâce à des postes d’observations spécifiquement créés pour ces lieux :

• Les “grandes jumelles” dans la haie de Neyran, qui cadrent un micro-paysage, ont été conçues pour s’intégrer dans la haie qui protège un bassin en plein renaturation ;
• La “hutte” de la Forêt de Grave, construite avec des matériaux glanés et fabriquée sous forme de chantiers participatifs avec des médocains.
• Les « observatoires » des ports de Saint-Vivien et Talais, qui permettent de prendre de la hauteur et proposent des points de vue sur plusieurs kilomètres alentours, ont été imaginés avec les communes et les architectes, et ils ont été construit au printemps 2025 avec des artisans du territoire et les matériaux des environs.
• « L’assise du frêne de Cabiraux » nous invite à nous assoir face au panoramas des mattes du Cheyzin le temps d’un affût sonore.

Depuis plus de vingt ans, la compagnie Opéra Pagaï pratique l’immersion dans les territoires et s’empare des enjeux sociaux, culturels ou humains, pour inventer des récits qui entremêlent fiction et réalité, et insuffle de l’imaginaire dans le quotidien d’une population.

La compagnie a imaginé cette fois-ci une fiction qui s’enracine dans les dix communes de la Pointe du Médoc : l’histoire étonnante des Grenomes de l’Estuaire, animaux endémiques du Médoc, jamais observés à ce jour. Avec l’intention de l’inscrire dans le patrimoine imaginaire local, la compagnie travaille depuis quelques années sous la casquette du G.R.A.V.E. (Groupe de Recherche Amateur sur la Vie dans l’Estuaire), son double fictionnel, à faire vivre le récit des zones humides du Médoc avec les Grenomes de l’Estuaire comme fil rouge.

Du travail d’écriture à la prise de son, en passant par le tressage de noisetier, les dessins cartographiques, les constructions, etc… L’histoire des Grenomes et La Piste Des Grenomes existe grâce aux personnes faisant partie de la vaste famille d’Opéra Pagaï composée d’un metteur en scène, une scénographe, une réalisatrice, des comédiens et comédiennes, des constructeurs, des plasticiens… qui en collaboration avec des partenaires et des personnes ressources du territoire ont fabriqué cette aventure collective !